À Léon Vérane.
Non, ce n’est pas cela que tu avais rêvé
et le soir quand tu vas t’attabler au café
pour lire Le Divan, La Phalange ou Les Marges,
tu songes aux voiliers qui glissent sur les larges
atlantiques, en plein azur, vers les îlots
candides, nénuphars que balancent les flots.
Les buveurs braillent. Tu es seul. Tu lis. Tu coupes
les pages. Tu es seul dans le bruit des soucoupes ;
et ces gens dont le cœur ne reflète aucun ciel
ignorent Gaudion, Royère et Duhamel.
Tu es seul et sous tes sourires tu sanglotes,
rose triste au milieu d’un bouquet d’échalotes.
Tristan Derème
dans Le poème de la pipe et de l’escargot 1912