You are currently viewing Songes du poète, sur Vergé antique n°742

Je l’ai découverte il y a peu. Cette plaquette. Seulement trois poèmes dont sans doute j’avais déjà effleuré quelques vers…
En 1931 Tristan Derème est chef du secrétariat particulier du sous-secrétaire d’état au Ministre de l’Agriculture. N’écrit-on pas plus de poésie, fonctionnaire ? Quelques légendes le colportent. C’est l’année que choisi Paul Mieille à Tarbes pour collecter et éditer les Rêveries Tarbaises, cette série de chroniques du poète dont nous avons déjà parlé. Cette année-là, Tristan Derème publie aussi les Compliments en Vers de Patachou.
Et puis il y a cette petite plaquette, trois poèmes, vingt-trois pages : Songes du Poète.
La mélancolie en traverse les vers.

Je soupire ; et je m’ennuie
Comme un âne sous la pluie
Quand personne ne l’essuie…

Souvenirs, je vous entends ;
Les oiseaux des vieux printemps
Recommencent leur musique…
Mon cœur est à l’abandon ;
Ne ferez vous quelque don
Au soulier mélancolique,
Indulgent Père Noël,
Qui promenez dans le ciel?

Et se réfugier dans la poésie, et s’interroger dans le troisième poème : tout ceci n’est-il pas vain ?

Qu’importe au jeu de l’univers
La musique de quelques vers ?
La terre tourne, et les poètes
Du décor rencontrent l’envers.
Leurs lèvres sont vites muettes.
Adieu, fanfare et lauriers verts !
Ils rêvaient d’une immense gloire ;
Leurs vers dorment dans une armoire,
Et leurs couplets les mieux fleuris
Sont les délices des souris…

Quelques vers plus loin, est-ce Clymène qui l’interpelle ainsi ?

Mais on me dit :- Laissez l’amour d’un vain laurier,
Et goûtez le bonheur loin de votre encrier.
De vivre comme nous faut-il tant vous prier,
Et parmi nos plaisirs ne voulez-vous nous suivre ?
– Vivre ! Dis-je. Quel monde allez-vous m’entr’ouvrir ?
Tous ceux qui tentèrent de vivre
N’ont-ils pas fini par mourir ?

Aveu d’impuissance ou fatalisme

Mais je voudrais, aux pages d’un poème
Enfermer ce monde que j’aime

Il y a bien d’autres choses dans ce dernier poème, notamment la révolte de l’ancien contre la poésie nouvelle qui arrive avec ses alexandrins trop longs ou trop courts !

Les vers sont pareils à Mercure :
Ils ont une aile à chaque [pié].
Couper un pied c’est perdre une aile.

Songes du poèteTrois poèmes suffisent à donner à ce recueil son charme. Et rappelez-vous. Tristan Derème donnait rarement un titre à ses poèmes. Dans les tables de ses recueils était seulement mentionnés le premier vers. La table de Songes d’un Poète est ainsi rédigée :


TABLE
Ariste qui vivez dans un bourg de province11
Je soupire ; je m’ennuie……………………15
Qu’importe au jeu de l’univers………………19

Ne trouvez pas, mon cher Jean
Valschaerts, que de ces trois vers,
ainsi rapprochés, s’élève une manière
de philosophie. ?…
T.D.


Jean Valschaerts est le dédicataire de ce recueil.
Clymène (Dussane) s’est éloignée. Tristan n’est jamais aussi bon que lorsqu’il est élégiaque avec ses longues plaintes ponctuées d’ironie et de zestes d’humour.

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.