Ivresse
Le soleil a doré tes lèvres. Un bourdon
S’éveille et bat les murs. Prends ton sourire et ton
Ombrelle ; tu courras dans l’herbe fraîche. L’aube
Est moins claire que ton visage et sur ta robe
Le matin lancera des flèches de clarté.
Tout chante et nous marchons vers ce bois écarté
Où nous vîmes des musaraignes. Une huppe
A crié. Cet ajonc va déchirer ta jupe.
Je t’aime. Je voudrais que tu dises : « Je suis
Heureuse. » Ne ris pas. Les grillons grincent. Suis
Le sentier, ne mets pas tes pieds dans la rosée.
Une mésange sur les ronces s’est posée.
Elle s’envole. Tu partis naguère. Mais
Tes doigts cueillent le thym et les houx embaumés.
Tristan Derème
dans Érène ou l’été fleuri 1910