Une étrangeté.
Une plaquette de 8 pages RARISSIME
Imprimé à Tarbes – Nous ne savons pas où.
Composé par MM.
Tirée à 20 exemplaires!
Il en existe une de visible à La bibliothèque Doucet de Paris.
Elle contient 4 poèmes :
- Décor, Francis Carco
- L’oeil du rat, Tristan Derème
- « Ce ne peut être qu’un cauchemard, dit la voisine. », Jean Pellerin
- Le nain qui jonglait, Léon Vérane
L’oeil du rat de Tristan Derème est paru par ailleurs la même année, le 9 décembre 1911 dans l’hebdomadaire régional Pyrénées et Océan. Nous ne l’avons pas pour l’instant identifié dans une plaquette précédente. Il semblerait donc avoir été créé cette année-là.
Il sera repris sous le titre LXXX. Un visage, une phrase, un merle, ce fruit d’if, dédié alors à Francis Carco, dans la Verdure dorée en 1922.
Voici les 4 poèmes dans l’ordre de la plaquette .
Décor
à Tancrède de Visan
Un beau décor
D’arbres, de ciel et de fumées…
Et puis un cor
Triste sonna dans la ramée.
De longs instants
Duraient. Le vent poussait la pluie
En sanglotant
Dans les persiennes démolies…
Le vent se tut
Un âne qui flairait l’ornière
Et le talus
Soudainement se mit à braire.
Francis CARCO
L’oeil du rat
Un visage, une phrase, un merle, ce fruit d’if
jaune, j’ai tout aimé d’un amour maladif,
car en tout je trouvais la marque du mystère
universel ; et sous les branches, solitaire
dans l’herbe et la chaleur que de fois j’ai compté
les anneaux éclatants des guêpes de l’été.
L’ombre émouvante est dans les choses minuscules,
et je me tais pour écouter les crépuscules
le grillon dont la voix déferle comme un flot
et renaît et se brise ; et dans l’oeil d’un mulot
ainsi que dans la mer où se perdent les voiles,
se reflètent l’azur, la lune et les étoiles.
Tristan DERÈME
« Ce ne peut être qu’un cauchemard,
dit la voisine. »
à André du Fresnois.
(Cette image eût été brossée
Par le cher président des Brosses).
Au trot de quatre maigres rosses,
Pauvres rosses souvent rossées,
Passe cahotant le carrosse
De la dame tant caressée.
Le soudard ivre l’a troussée
Puis, soupirs et sourire atroce,
Il écrase du bras les seins
Où le soleil met le dessin
FleurdeLysé du vieux rideau.
Il la joint, la baise à la bouche…
Cependant, un pied à babouche
S’énerve et danse sur son dos.
Jean Pellerin
Le Nain qui Jonglait
pour Tristan Klingsor
Dans les rameaux des ifs et des cèdres en cône,
Les perroquets rouges et verts se sont juchés
Et troublent d’un frôlis d’ailes le soir d’automne
Au long des boulingrins de corolles jonchés.
Et le nain sous son chaperon de velours jaune
Où comme un bleu panache un iris est fiché,
Jongle avec des citrons, des cédrats et des pommes
Aux cris rauques des grands oiseaux effarouchés.
Mais la lune surgie au ciel de lazulite,
Écorne sa rondeur aux ifs pointus du bois
Et le nain qui jonglait, soudain devenu triste,
Songe qu’il a manqué pour la première fois
Un citron, un cédrat ou une pomme blanche,
Puisqu’un fruit est resté dans la fourche des branches.
Léon VÉRANE