Certains ont pu s’interroger sur les raisons de l’extrait de ce poème en tête du blog. Et bien je dirai : le bouclier d’ironie. Le bouclier que Tristan Derème levait pour protéger sa vie privée « future ». Il était réticent à tout idée de biographie. Et ce poème en est vraiment la parfaite illustration. Parce qu’à y réfléchir, ces quarante-deux agrafes…
Ce qui explique donc que l’objectif de ce blog est loin de dresser son exhaustive biographie qui d’ailleurs n’existe pas à ce jour. Et pour apporter de l’eau à ce moulin, il faut remercier Louis-Georges Planes d’avoir conservé et restitué l’une des causeries que le poète avait faite sur ce sujet, un jour à Bordeaux :
Notre époque – et ce n’est point sans doute une nouveauté -, se plaît beaucoup à chercher l’homme derrière l’œuvre ; et c’est fort grande vanité car, dans la plupart des cas, l’auteur est loin de valoir le livre, et je veux dire qu’il n’est, à l’ordinaire, qu’un homme comme tous les autres. Relisez Le lac ; mais ne manquez pas de songer que les amours de Lamartine et d’Elvire sont parmi les moins extraordinaires du monde. Enlevez les deux noms ; oubliez les poèmes et vos amis, si vous leur contez cette histoire, la jugeront banale – à moins bien entendu que vous ne soyez pourvu de cette sorte de génie qui permet à certains, quand ils peignent la plus humble réalité, d’émouvoir tous ceux qui leur prêtent audience.
C’est avec les idées et les sentiments les plus coutumiers que l’on a composé les livres qui sont le plus admirés ; il est donc vain de tourner en quelque manière la page pour contempler le mystère qui semble se cacher derrière. La source du grand fleuve n’est que pauvre fontaine. Le poète vous offre le vin de ses vers et vous rêveriez de voir la banalité mélancolique des grappes écrasées.
Laissons dormir en paix les auteurs dans leur gloire et dans l’ombre de leurs lauriers ; la meilleur façon de les honorer et qui nous donne quelque haute volupté, ce n’est pas de déchiffrer l’un de leurs médiocres billets d’amour, mais de relire les livres où ils ont enfermé, pour mieux les répandre, le seul trésor qui était en eux et qui leur a valu leur juste et magnifique renommée.
*Au fait, le dernier vers du poème cité ci-dessus (à découvrir en bas à droite de la page du blog) :
« Et j’aimais beaucoup moins tes lèvres que mes livres »