Après 15 ans de fermeture, ce 18 avril, le musée Massey de Tarbes rouvre sous le nom de Musée International des Hussards: l’histoire des Hussards de 1545 à 1945 dans 30 pays, 17 000 objets, 130 mannequins etc. Le sceptre d’Ottokar me paraît plus palpitant dans le genre.
Retrouvons donc notre Tristan Derème quand il est tenu de s’appeler Philippe Huc. Il ne sera pas hussard à Tarbes mais y incorporera le 12ème Régiment d’Infanterie installé à la caserne Reffye, aujourd’hui désaffectée, dans le service auxiliaire comme soldat 2ème classe (matricule 1148) le 3 octobre 1910.
…On voyait, parmi les scribes du bureau de recrutement de Tarbes, un jeune soldat à la face blanche et ronde de Pierrot éveillé, au nez curieusement retroussé, à l’œil malicieux. Il portait la capote bleue et le pantalon garance avec cette absence de recherche qui dénote une complète indifférence aux choses vestimentaires. Mais plus d’un étudiant venu rue du Pradeau [adresse de la caserne Reffye] pour y contracter un engagement, éprouvait quelques surprises à voir, parmi les paperasses encombrant la table de l’auxiliaire, un Horace inattendu ou un Vigile insolite… (Le Semeur 27 octobre 1941)
Il restera 2ème classe jusqu’à son renvoi en disponibilité le 25 septembre 1912. Il est rappelé le 18 novembre 1914 et passe au 23ème d’artillerie à Toulouse. Nommé brigadier le 13 novembre 1915, maréchal des logis le 3 février 1916 et maréchal des logis chef le 8 mai 1917… Nous reviendrons certainement un jour sur ces activités militaires pendant son affectation.
Le 22 août 1914, son père le colonel Pierre Huc, meurt à Bertrix (Belgique) alors qu’il chargeait, selon une légende familiale, « sabre au clair comme à la parade et comme en 1870 en gants blancs!.. »
Tristan Derème lui dédira un long poème, Le laurier du Kaiser, plaquette rare de 8 pages imprimée à Tarbes en 1914 par l’imprimerie qui éditait le quotidien Les Pyrénées auquel il contribuait depuis deux ans.
Difficile d’en extraire quelques vers, ce poème est une longue charge contre le Kaiser Guillaume II et les allemands, une exaltation du sentiment national et patriotique et un vibrant appel à la vengeance. Étonnant de la part du fantaisiste, tendre et ironique que l’on connaît jusqu’alors. Mais la mort du Père…
un extrait:
À ma soeur Madeleine, à mon frère Clément,
En mémoire de notre Père
Le Colonel Huc,
Tombé en Belgique sous les balles allemandes.
…
Sire, Ce n’est plus l’heure et ce n’est plus le jour
de commenter Virgile à l’ombre des troënes,
car la flûte se tait et le cède au tambour
et l’injure et les cris succèdent aux poèmes,
puisqu’ivre et soulevant cette coupe de bois,
tu mêles, suspendant l’allégresse des hommes,
le râle des mourants au murmure des bois
et les pourpres du sang aux pourpres des automnes.
Injures! Mots cruels! Vautours! Envolez-vous!
De vos griffes de fer déchirez ce pauvre homme
à qui le bandeau grec et la pourpre de Rome
feraient courber la tête et ployer les genoux.
Au nom de ceux sur qui le crêpe va descendre,
au nom des mères, des épouses, des enfants,
vengez, le lacérant de vos becs triomphants,
ceux qui pleurent et dont le cœur est plein de cendre.
Montez d’un vol que tout l’azur va cadencer
pour arracher son cœur et ses lèvres impures!
Mais que dis-je: montez! Ne montez pas, injures:
pour atteindre à sa face il faut vous abaisser.
….
La suite pour les curieux, possible sur Gallica: Le Laurier du Kaiser