Daniel Aranjo, Professeur de Littérature Générale et Comparée à l’USTV, Prix de la Critique de l’Académie Française 2003, qui a publié plusieurs volumes ou de nombreux articles sur Derème, Toulet, l’École Fantaisiste et les poètes de cette époque (Paul Fort, Tristan Klingsor), prend alors la parole :

Je connais cette étudiante depuis une dizaine d’années, et j’ai pu, surtout durant les six années de son travail en thèse, apprécier son naturel précis, méticuleux, consciencieux. Je la savais aussi encline à un réel formalisme, proche de J. Ricardou. Les résultats vont au-delà de mes espérances, et, comme dirait Derème, les fruits ont ici passé la promesse des fleurs. Voilà qui me confirme dans l’un de mes grands regrets à l’égard de tous ces Fantaisistes d’une certaine époque (Jean de Tinan, mort en 1898, Azorin, surréalisant à ses heures, auteur d’un pré-roman ferroviaire en écriture semi-automatique, « Surréalisme », 1929, etc.) qui pourraient posséder deux publics, qui s’ignorent le plus souvent à jamais (celui des lecteurs qui apprécient en eux le reflet, au mieux historique, de certaine époque, quitte à pressentir chez eux certaine folie, au besoin déroutante ; celui des lecteurs actuels, férus de formalisme, de narratologie, de Nouveau Roman, qui souvent ignorent jusqu’à leur nom et à qui il suffirait pourtant de glisser leur œuvre entre les mains). Il se trouve que cette folie était, explicitement, exploratoire et qu’un travail comme celui d’Amandine Cyprès peut seul rendre compte, en termes techniques, impersonnels, démonstratifs, objectifs, de l’étendue et de la profondeur de cette exploration. Elle montre bien par exemple en quoi son auteur est oulipien avant la lettre (tome II, même si c’est le tome III qui va le plus loin sur la voie formaliste). Il arrive assez régulièrement qu’une thèse porte l’empreinte de son directeur (par exemple la thèse comparatiste d’acroamatique de Nice au jury duquel je devrais être en ce moment, inspirée au départ de la théorie et de la pratique de son directeur, P. Quillier); de même ici, où l’on décèle bien la marque du maître (et même du maître du maître, J. Ricardou, qui aurait fort bien pu être de notre jury à titre d’expert), avec toute la précision et la méthodologie qui s’ensuivent ; parfois c’est même le directeur qui fournit méthode et corpus (corpus induit par la méthode) à son thésard, comme s’il connaissait mieux ses virtualités dans certains champs possibles que lui-même. J’ai dit, dès 2001 au moins, que D. Bilous était un derémien « militant » ; j’étais bien loin de me douter alors que ce militantisme nous vaudrait aujourd’hui cette thèse, qu’il faut évidemment d’ores et déjà considérer comme une date décisive de la fortune de Tristan : on ne pourra plus écrire sur lui après cette thèse comme on le faisait avant.
Cette thèse mérite donc à l’évidence publication (c’est dans cette perspective que j’ai tout corrigé, voire virgules et accents sur mon exemplaire), dans l’une ou l’autre de nos collections : « Babeliana » chez Champion, ou « Var-Poésie », puisque Derème fut le principal théoricien de cette École Fantaisiste dont le Var est l’un des épicentres avec ses amis Vérane et Chabaneix, qui ont déjà fait l’objet d’un colloque et d’un volume dans cette même collection. Certaines erreurs, limitées, ou distractions orthographiques seront alors corrigées et il nous faudra en particulier, et le directeur de thèse le premier, nous prononcer sur la longueur, sans doute excessive, de bien des citations, même si cette longueur est souvent heureuse et justifiée ; il faudra aussi veiller scrupuleusement à respecter le retrait des vers courts, si fondamentaux pour notre École (que l’on pense aux Contrerimes de Toulet ou Pellerin). Nous pourrons aider également la candidate à compléter sa biographie. Je souhaite également que ce soit A. Cyprès qui fasse l’édition en plusieurs volumes des œuvres de Derème que l’éditeur B. de Fallois envisageait de me confier aux alentours de 2004.

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